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6 novembre 2015 5 06 /11 /novembre /2015 15:25
Frères musulmans : Derviches tourneurs ou conquérants politiques ?

De l’aveu même de Lénine, il n'y a pas de révolution sans peloton d'exécution. Exception faite éventuellement de celle des Frères musulmans qui payent depuis lors leur anémie sociopolitique. De ce fait un choix cornélien s'impose aujourd’hui aux idéologues du mouvement qui survivront à la purge actuelle. Ou bien quitter définitivement le champ politique au profit du militantisme sociétal en influençant la politique par l'entrisme lobbyiste genre l'Opus Dei catholique. Ou bien, se résigner une fois pour toute à rendre coup pour coup et élever en cas de retour au pouvoir les échafauds. Sortir en somme de la logique des derviches tourneurs pour rentrer dans celle des conquérants politiques comme justement leurs collègues turcs de l'AKP.

L’idéologie djihadiste contemporaine est née dans les prisons de Nasser durant la période sanglante s’étalant sur ses deux décennies de règne absolu.
Alliés de la conquête du pouvoir aux « Officiers libres », les Frères musulmans se sont en effet devenus rapidement leurs adversaires gênants.

Et la rupture entre les deux fut brutale. Tortures, exécutions et prisons à vie ont poussé donc bon nombre d’idéologues de la mouvance islamiste à verser dans l'excommunication et son corollaire machiavélique de « la fin justifie les moyens », armes fatales par excellence de toutes les guerres asymétriques.

Deux concepts pernicieux qui, sur plus d'un demi siècle, n'ont cessé d'alimenter la violence de tous les mouvements radicaux issus de la matrice islamiste par des doctrines sectaires destructrices. Le redoutable Jihad islamique égyptien en fut le premier et de sitôt reprendra le rôle de mère nourricière de tous les groupes djihadistes violents.

Seulement malgré les divers coups portés au mouvement « frèreiste» force est de reconnaître cependant qu'il a toujours réfuté idéologiquement la violence politique en excluant systématiquement tous les adeptes qui s'y résignent.

Leurs profondes convictions furent en effet qu'ils ont, d'une part, le temps et l'assise populaire nécessaires pour parvenir à leur fin et que, de l'autre, la justesse de leur cause peut dès lors se passer de toute brutalité ou violence.
Tout un raisonnement teinté d'un fatalisme religieux optimiste et dans lequel Moise finit toujours par triompher sur le Pharaon d’Égypte.

Seulement si jusqu'ici leur point de vue peut ainsi dire se concevoir aisément, là ou il ne le peut en revanche c'est quand ils prennent part avec telle naïveté passive aux processus de changement de pouvoir et de société, notamment si ces dernier sont à caractère révolutionnaire.

Et pour cause. De l’aveu même de Lénine, il n'y a pas de révolution sans peloton d'exécution. Exception faite éventuellement de toutes celles des Frères musulmans qui, en représailles, payent depuis lors leur anémie sociopolitique.

Car par toutes ces demi révolutions avortées, ils n'ont fait que creuser systématiquement leurs propres tombes, selon la vieille maxime de Saint-Just.

Et c'est bien là que se révèle le Talon d'Achille des Frères musulmans. A savoir une viscosité politique assez perméable au nomadisme tous azimuts. A l'instar de ce prêcheur religieux qui devient homme politique le soir mais, médecin de formation, il exerce en clinique le matin avant de se transformer l’après midi en militant associatif.

Toute une mentalité des derviches tourneurs avec laquelle les Frères sont arrivés au pouvoir. Et bien qu'elle n’enlève rien à leur légitimité à l’exercer, elle diminue tout de même leur aptitude à le conserver et pratiquer efficacement pour mieux défendre les intérêts de ceux qui leur ont confié leur destinée.
Quoi qu'il en soit aujourd’hui l’Égypte est plus que jamais au bord de l'implosion. Politique, sociale et économique. Donne à la quelle ce vieux pays ne s'est pourtant jamais habitué. Tellement il a appris à amadouer ses tyrans, y compris les pires d'entre eux.
N’empêche que tout cela est prévisible. Et il n'en peut pas être autrement. Tellement les sorciers malfaisants qui ont préféré l'affrontement sécuritaire au respect de la légalité constitutionnelle au détriment de la bonne pratique démocratique ont crée des conditions explosives qui les dépassent totalement.

La vérité c'est qu'il n'y avait pas d'ISIS avant le coup d’État d'Al-Sissi, preuve encore flagrante que les deux acronymes sont les deux faces hideuses de la même oppression et la même illégitimité constitutionnelle. En tout cas une chose est certaine. La confrérie a compris que le pouvoir se protège. Et même salement.
De ce fait un choix cornélien s'impose aujourd’hui plus-que jamais aux idéologues du mouvement qui survivront à la purge actuelle.
Ou bien quitter définitivement le champ politique au profit du militantisme sociétal en influençant la politique par l'entrisme lobbyiste type l'Opus Dei. Ou bien, se résigner une fois pour toute à rendre coup pour coup et élever en cas de retour au pouvoir les échafauds. La légitimité démocratique n'en demande pas moins. Sortir en somme de la logique des derviches tourneurs pour rentrer dans celle du sérail et conquérants politiques comme justement l'AKP en Turquie.
Tout en gardant bien à l'esprit que les régimes militaires sanguinaires du monde arabe ne sont que les nouveaux Mamelouks de notre époque, honneur, bravoure et dignité en moins.


C'est que « Le croyant ne se fait pas mordre deux fois d'un même trou », disait justement le Prophète de l’islam. Quid alors des Frères musulmans ? Y aura-t-il une troisième fois ?

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