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10 juillet 2015 5 10 /07 /juillet /2015 11:07

Le gouvernement grec a jusqu’à ce soir minuit pour soumettre un nouveau programme de réformes dans le but d’obtenir des instances européennes une nouvelle aide financière. Des négociations fiévreuses sont en cours, au cours desquelles les deux parties ont beaucoup à perdre

«Il ne faut pas fermer la porte à Platon», c’est ainsi qu’en 1980 Valérie Giscard d’Estaing, alors président français, avait justifié l’entrée de la Grèce dans l’Union européenne (UE) à ceux qui doutaient déjà de la viabilité économique d’une telle intégration. Aujourd’hui, soit 35 ans plus tard, c’est de la sortie de la Grèce de l’UE dont il est question. Les bruits de couloir de technocrates européens et d’analystes financiers il y a quelques mois sur le «Grexit» (contraction anglaise de Greece et exit) sont aujourd’hui devenus une réalité.

Selon des sondages récents, plus de 50% des opinions publiques française et allemande sont favorables à une sortie de la Grèce de la zone euro. Quelques heures après la victoire écrasante du «non» au référendum grec, Sigmar Gabriel, le vice-chancelier allemand et chef du parti social démocrate allemand (SPD) a déclaré que les ponts entre l’Europe et la Grèce étaient «rompus» et que de nouvelles négociations «étaient difficilement imaginables».

En Allemagne, il est aujourd’hui difficile de faire la différence entre les déclarations d’hommes politiques conservateurs ou des sociaux-démocrates tels que le SPD. Sur la situation grecque, il existe un véritable consensus dans l’opinion publique germanique. «Tout a commencé en 2008», se souvient Camille Sari, professeur de finance internationale à la Sorbonne qui a publié plusieurs ouvrages sur la question grecque. «La crise financière a déshabillé ce qui était caché.

Les Allemands ont commencé à utiliser le bâton avec tous les pays qui n’ont pas respecté les règles budgétaires européennes.» Le professeur raconte une anecdote pour illustrer l’autoritarisme de la politique d’Angela Merkel : «Paul Krugman, prix Nobel d’économie en 2008, à l’issue d’un dîner où était présente la chancelière allemande, lui aurait demandé si elle comptait utiliser son fouet avec les Américains, comme elle le faisait avec certains pays européens». Inflexibles sur la dette grecque, les Allemands sont soutenus par une partie de l’Europe.

Impasse

Des pays partageant sa philosophie économique comme les Pays-bas, la Pologne ou encore le Danemark. Mais également plusieurs pays en difficulté financière qui ont de rigoureseument appliqué les préceptes de la troika et qui ne comprendraient pas un traitement de faveur pour la Grèce. C’est le cas des pays baltes, mais aussi de l’Espagne, du Portugal ou encore de la Slovaquie qui ont énormément souffert et qui continuent de souffrir de la crise économique et de la politique d’austérité imposée par les instances européennes.

C’est d’ailleurs pour Camille Sari un élément fondamental de la position actuelle allemande : «Les Allemands ne veulent pas donner carte blanche aux Grecs (en allégeant leur dette). Ils ne veulent pas traiter avec un parti (Syriza) qui s’est formé contre la troika. De plus, il y a des partis similaires partout en Europe comme Podemos en Espagne et d’autres en Italie et en France. Traiter avec Tsipras, ce serait encourager les partis radicaux contre l’austérité. L’Allemagne voudrait, au contraire, leur casser les reins, casser l’hydre rouge». Devant le Parlement européen, mercredi dernier, Alexis Tsipras a demandé une «remise» de 30% de la dette grecque.

Accepter une réduction de la dette ouvrirait la voie à une multitude de demandes d’etats européens et c’est exactement ce qu’Angela Merkel veut éviter. «Effacer une partie de la dette grecque n’aura pas beaucoup d’impact sur l’économie européenne. Mais si l’Espagne ou l’Italie font une demande similaire, la dimension économique deviendrait très importante», ajoute l’économiste français. Devant cette impasse politique, une sortie de la Grèce de l’Union européenne est clairement envisagée. Ce qui constituerait l’ouverture d’une «boîte de Pandore» géopolitique.

Alors que la position allemande estime que la zone euro pourrait supporter sans difficultés un départ de la Grèce, certains économistes comme le Français Thomas Picketty estiment que ceux qui cherchent le Grexit «sont des apprentis sorciers». Camille Sari est sur la même ligne : «La sortie de la zone euro serait une catastrophe pour la Grèce. Elle perdra toutes ses aides financières, sa monnaie sera attaquée, ce qui entraînera une hausse des taux d’intérêts. Ils ne pourraient plus importer, ni emprunter. Les banques seraient en faillite.»

Alliances

De cette situation économique apocalyptique résulteraient probablement des troubles sociaux importants qui pourraient déstabiliser le pays et s’étendre à la région. Georges Prévélakis, auteur du livre Géopolitique de la Grèce estime ainsi que la Grèce risque de se «balkaniser» en cas de sortie de l’Union européenne. La situation méditerranéenne de la Grèce, face au Proche-Orient, en font un pays hautement stratégique pour l’Occident.

Barack Obama a ainsi fait part de son mécontentement aux pays européens quant à la gestion de la crise grecque. Les Américains plaident en faveur d’un maintien de la Grèce au sein de l’Europe, redoutant un changement d’alliance d’une Grèce affaiblie qui se tournerait vers la Russie. Ainsi, lors d’une visite, le 11 février à Moscou, du ministre des Affaires étrangères grec, Nikos Kotzias, Sergueï Lavrov, son homologue russe, a fait miroiter la possibilité d’une aide financière russe. «Si le gouvernement grec s’adresse à nous, a-t-il déclaré, cet appel sera examiné».

Le séisme géostratégique que cette situation pourrait provoquer est désormais pris en compte par certains décideurs européens comme Manuel Valls, qui a soutenu ce mercredi que la France «refusait la sortie de la Grèce de l’euro» et souligné «un enjeu géostratégique et géopolitique de la plus haute importance.» Les positions grecque et allemande sont-elles irréconciliables ? Camille Sari se veut positif : «Il existe une position intermédiaire. Un étalement des taux d’intérêts, un rachat de la dette par la Banque centrale européenne qui permettrait aux Grecs de respirer. Il faut faire en sorte qu’aucune des parties ne perdwe la face.»

La réponse sera de toute façon assez rapide, demain une réunion des ministres des Finances européens en eurogroupe décidera si oui ou non ils accepteront d’accorder une aide financière aux Grecs après l’examen du programme de réforme soumis par Alexis Tsipras. Un refus entraînera certainement une sortie de la Grèce de la zone euro. Mais pas de panique, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne a assuré qu’«un scénario détaillé prévoyant une sortie grecque de la zone euro a été préparé, un plan B». Tout est donc sous contrôle.

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