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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 09:03

L'INVENTION D'UNE DEMOCRATIE. Les leçons de l'expérience tunisienne… Essai de Moncef Marzouki, Editions Média-Plus, Constantine 2013, 177 pages, 900 dinars.

Il est assez rare de rencontrer l'œuvre d'un homme politique, assumant (par nécessité et par hasard, car il n'a rien recherché, sinon la disparition des dictatures) les plus hautes fonctions d'un pays, aussi claire et aussi décidée… reflétant l'itinéraire de toute une vie consacrée au développement des libertés. Engagé dans la lutte contre le régime de Habib Bourguiba, ayant subi le premier interrogatoire de police à l'âge de onze ans après la fuite en Algérie puis au Maroc de son père (ce dernier y est resté en exil jusqu'à sa mort en 1988), puis contre celui de Ben Ali, persécuté, exilé, revenu au pays en janvier 2011, il est élu président de la République… gérant une transition avec un gouvernement comprenant, entre autres, les islamistes d'Ennahda (de Ghannouchi). Pas facile à gérer !

Marzouki Moncef, le médecin neurologue et de santé publique, renvoyé de la faculté de médecine de Sousse en 2000, met à profit, aujourd'hui, sa position-clé pour livrer, à travers l'expérience (en cours) postrévolutionnaire tunisienne, née du «Printemps arabe», à ses concitoyens et aussi, à ses frères maghrébins et arabes en démocratie, son diagnostic et des clés pour dépasser les clichés. Des pistes. Des idées. Des propositions. Des formules. Des «recettes»... pour inventer une (nouvelle) démocratie. Vaste programme ! Mais, comme il le dit si bien, «nous ne sommes pas des Phéniciens pour rien : cela fait 3000 ans que nous négocions !». Quel optimisme ! Quelle assurance ! De la naïveté ? non, un bon démocrate, un idéal-réaliste comme on n'en fait pas (ou plus, ou rarement) chez nous.

Il passe en revue (avec un peu de prétention de temps en temps, présentant la Tunisie comme un «laboratoire pour le monde arabe») tous les aspects de la vie politique du pays, avec des rappels et des retours historiques, et ce dans la sérénité, sans haine, ni mépris. Tout juste des regrets et de la peine pour le mal qui a été fait au(x) peuple(s) et au(x) pays par les dictateurs et les gouvernants autoritaristes et corrompus, par les «assoiffés» de pouvoir.

Avis : A lire, bien sûr, surtout si l'on se sent concerné par l'évolution politique contemporaine des pays arabes en général et des pays du Maghreb en particulier... Bien conçu, bien pensé, style sobre et clair, sans fioritures, facile à comprendre par les jeunes et les moins jeunes… et même par les extrémistes de tous bords, surtout ceux laïques et islamistes. Encore que les premiers pratiquent rarement la violence, sinon pour se défendre, alors que les seconds la pratiquent souvent, surtout pour s'imposer. De plus, aucun doute sur la sincérité de l'auteur, un intellectuel vrai «en action»… un peu traumatisé par «l'expérience» algérienne des années 90 (avec une analyse en «diagonale» limitant les affrontements aux «deux franges les plus radicales du camp laïque et du camp islamistes»). Ça nous manquait terriblement ! Un livre qui apporte du «vrai plus» et qui marquera l'histoire de la pensée politique arabe et maghrébine contemporaine.

Extraits : - «Sous Ben Ali, les policiers avaient peur de moi ; désormais, ils ont peur pour moi» (p 22), «Le pays a acquis (…) une grande expertise en matière de corruption, mais nous n'en avons aucune en matière de lutte anticorruption» (p 42), «La démocratie n'est pas un prototype figé pour l'éternité, c'est une expérimentation permanente» (p 55), «Le mal qui ronge les dictatures est curieusement le même que celui qui menace la démocratie: la corruption» (p 175)

L'L'HISTOIRE DECOLONISEE DU MAGHREB (L'ALGERIE DE 1510 A 1962)… Recherche historique de Zahir Ihaddaden, Editions Dahlab, Alger 2013, 204 pages, 500 dinars.

Zahir Ihadaden a l'avantage, sur bien des historiens nationaux, d'être un Algérien culturellement complet. Moudjahid ayant fait des armes au sein de la rédaction de Résistance Algérienne, ayant connu les plus grands de nos héros, diplômé des Médersas d'Algérie, licencié es-lettres… de la Faculté d'Alger, haut fonctionnaire de la Culture (du temps de feu Benyahia) puis, ayant rejoint l'enseignement, Docteur d'Etat en sciences de l'Information et de la Communication de Paris II (Sorbonne),... il a, aussi, dirigé l'Ecole Nationale Supérieure de Journalisme (la première, celle des années 60 et 70) .

Complet, mais pas complexe ou compliqué pour un sou. Pour lui, la recherche scientifique, tout particulièrement dans le domaine de l'Histoire, c'est son souci premier, et son premier souci est de «décoloniser» l'Histoire du pays. La réécrire, donner une autre interprétation à des événements que les historiens coloniaux ont présenté d'une façon partiale, dispersés… et déceler les faiblesses des historiens algériens. Sa formule est simple : il faut aimer son pays pour pouvoir le faire ; réécrire l'Histoire du pays. Ce n'est nullement démagogique. Il faut le croire. Et, surtout, il faut le lire pour mieux saisir la sincérité du chercheur et, surtout son sens de la pédagogie. Il est vrai qu'il faut aussi le connaître pour adhérer à son argumentation et à ses thèses. Peut-être un nationalisme à fleur de peau ? La famille révolutionnaire ne changera jamais !

Trois grandes parties : Analyse des thèses colonialistes/ Problèmes soulevés par l'écriture de l'Histoire/ Grandes périodes de l'histoire du Maghreb et de l'Algérie.

Une multitude de pistes à approfondir… par d'autres chercheurs.

Avis : C'est précis. C'est concis. Très pédagogique. Qui dit mieux. L'avantage de l'universitaire qui s'y connaît en com'. Qui fait mieux.

Extrait :-«La domination étrangère est une fable. Notre peuple, celui qui a toujours vécu sur cette terre, est rentré dans l'histoire bien avant ceux qui portent sur lui un jugement sans fondement. La civilisation qu'il a créée est antérieure à celle de l'Egypte.» (p 6)

LA COMMUNAUTE MEDIANE… Essai philosophique de Mustapha Chérif, Houma Editions, Alger 2013, 119 pages, 350 dinars.

Qui ne connaît Mustapha Chérif ? L'universitaire des années 80, devenu ministre du secteur de l'Enseignement supérieur au début des années 80, puis ambassadeur en Egypte, ce qui lui avait permis de fréquenter assidument les allées et les cheikhs d'Al Azhar, est aujourd'hui un des plus respectés ambassadeurs de l'Islam moderne, de la culture de la tolérance et de la paix, du dialogue interculturel. C'est, je crois, le seul penseur arabe reçu par un pape au Vatican. C'est tout dire !

Sa thèse est simple : le monde actuel, désorienté, a besoin de revenir aux fondamentaux de la vie ; la voie médiane, le chemin droit, le juste milieu. De faire partie de la «communauté médiane». Une communauté qu'il présente à travers des extraits du Livre saint, le Coran.

Une «explication de textes» qui, peut-être, ne sera pas acceptée par les extrêmes : «les réactionnaires, archaïques, usurpateurs du nom… et les non-musulmans portés par l'ambition d'hégémonie». D'autant que les dérives internes et les préjugés externes «qui durent depuis quinze siècles» ont déformé l'image de l'Islam

Avis : Pour connaître encore bien mieux l'Islam… et, à défaut d'être «religieux», mieux comprendre les croyants… et les membres pratiquants de la «communauté médiane»

Extrait : «Croire, selon la ligne médiane, juste, centrale, c'est accueillir le mystère, afin d'assumer nos responsabilités. Ni diluer, ni figer le sacré. Ni se prendre pour un «dieu», ni désespérer du monde. Les trois lettres du mot croire, la foi en arabe, «iman», dérivent de la racine du mot «amanah» (l'honnêteté), qui signifie la tranquillité du cœur, la sérénité, la paix, et de cet autre mot «el amanah» : le dépôt, la responsabilité» (p 23)

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