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10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 14:36

 

LA VILLE DE RELIZANE A RENDU HOMMAGE A L'ARTISTE PEINTRE ISSIAKHEM, DURANT DEUX JOURS DE SUITE, LES 21 ET 22 DU MOIS D'AVRIL DERNIER OU UNE EXPOSITION DE SES ŒUVRES A ETE TENUE A LA MAISON DE L'ARTISANAT ET DE QUELQUES TABLEAUX DE JEUNES ARTISTES PEINTRES SPECIALISES SUR L'OEUVRE ARTISTIQUE DE CE GRAND MAITRE DE L'ART PICTURAL.

1ère partie

Pour rappel, la famille Issiakhem est venue à Relizane en début des années 1900, l'artiste peintre n'a vu cette ville qu'à l'âge trois ans. Son défunt père était membre fondateur, en 1931 à Relizane, de la section locale de l'association des oulémas de cheikh Abdelhamid Benbadis, et fut en même temps le président de la commission des finances servant à assurer l'enseignement religieux. Possédant les deux bains maures dits hammam Marakchi et celui d'Essaâ (Horloge) se trouvant au centre-ville. C'est dans ce dernier établissement que le futur artiste s'est vu grandir dans un appartement annexé à ce même bain maure. Sur la terrasse de ce dernier, un drame s'est produit, en 1943, bouleversant toute une famille. Le jeune Issiakhem âgé de quinze ans, s'est vu amputer de son avant-bras gauche et de deux doigts de l'autre main, occasionnant la mort de ses deux sœurs et de son neveu, suite à une manipulation d'une bombe qu'il avait récupérée quelque part. Cette infirmité physique ne l'a pas empêché de devenir, plus tard, un artiste peintre de notoriété internationale. Ses œuvres portant sur le portrait, la miniature et l'art abstrait. Ayant produit durant sa vie d'artiste, plus de cinq cents œuvres, bon nombre d'entre elles sont exposées dans certains musées à travers le monde comme celui, entre autres, de l'Italie, l'Institut du monde arabe à Paris, au Liban et en d'autres endroits. Ayant réalisé, après l'indépendance, les maquettes sur les billets de banque algériens ainsi que pour ceux de la Mauritanie et de la Guinée Bissau. Seuls les psychanalystes pourront donner une explication convaincante sur cette fulgurante réussite artistique, en dépit d'un lourd handicap physique, suivi d'un traumatisme psychique provenant du rejet de sa mère, durant une période de sa vie, la prenant pour responsable du drame atroce qui a frappé sa famille. Et aussi ne voulant le voir dans un état d'amputation. L'exposition durant ces deux jours, dans le beau patio de ce nouveau siège de l'artisanat et du tourisme, s'est faite sans public. L'absence de ce dernier est due certainement au manque d'information et d'invitation. Les organisateurs de cet événement artistique auraient gagné en audience s'ils avaient prévu cette dernière dans les deux jardins publics du centre-ville, cela aurait permis aux jeunes écoliers, lycéens et au grand public d'apprécier l'art contemporain et l'œuvre de ce grand peintre. Encore faudrait-il que ces deux beaux jardins soient entretenus pour imaginer tout cela. On est loin du compte. Le hasard a voulu qu'en cette matinée de la journée du 21 avril, vers les coups de 11 heures, en passant par l'artère menant vers le bain maure, anciennement la propriété de la famille Issiakhem, au centre-ville, je tombe sur un groupe de personnes aux abords de ce bain ; c'était un groupe de jeunes artistes en compagnie de la famille du peintre. Ils venaient d'assister à la mise en place d'une plaque de commémoration à la mémoire de Issiakhem, apposée sur la façade du bain contiguë à son ancienne maison. Nous aurions souhaité que les organisateurs mettent une œuvre d'art, à la dimension de ce peintre de stature internationale, en plus d'une pierre commémorative. La famille de l'artiste était composée du cousin de l'artiste, ses sœurs et ses nièces. Cette entrevue hasardeuse est venue au moment de l'écriture de ces lignes. Une discussion fort animée à bâtons rompus, d'une bonne demi-heure, fut engagée avec cette sympathique famille, l'échange était chaleureux portant quelque peu sur l'histoire de la ville et ses anciennes familles.

LA VILLE DES ARTISTES

Etant seul enfant de la ville dans ce groupe, mis à part le journaliste de la radio locale et de son accompagnateur qui étaient présents pour des interviews, j'aurais souhaité que d'autres personnes, hommes et femmes de cette ville, rencontrent ou accueillent cette famille venant de loin, spécialement pour cette manifestation artistique. Le cousin très proche de l'artiste, accompagnant cette famille, de son prénom Si Mohamed, octogénaire, sage et bien portant, possédant une mémoire sans faille, se rappelant de la ville depuis les années quarante, connaissant les anciennes familles sur le bout des doigts, citant, entre autres, l'ensemble des membres de la famille Francis, de Mustapha Boukhalloua, des frères Boumendjel, l'un deux Ahmed avocat, fut son ami très proche, rédacteur du manifeste de Hadj Messali en 1942. Evoquant la personne de feu Si Ghanem Tahrat. L'homme était pris par le temps, autrement il aurait raconté beaucoup de choses et avec lucidité. La sœur de l'artiste, femme aimable et souriante, d'un certain âge, se souvenant d'un chahid portant le nom de Benyahia, me disait qu'il a été enterré vivant durant la guerre de libération, malheureusement, je n'ai pu m'en souvenir, se rappelait aussi de la famille Damerdji, une ancienne famille tlemcenienne ayant vécu dans le passé dans cette ville ; elle s'est excusée de ne pas avoir cité certaines personnes dont elle se rappelle vaguement, du fait que son départ de cette ville remonte en 1955. Durant la discussion, Si Mohamed m'a fait savoir qu'il était agriculteur comme l'auteur de ces lignes (curieuse coïncidence) ; profitant de cette entrevue, il a demandé l'adresse d'un pépiniériste afin de se procurer des plants d'orangers pour son lopin de terre se trouvant en Kabylie ; je répondis qu'il existe de belles variétés dans les environs d'Alger, pourquoi ne pas se les procurer là-bas ? Il me répondit qu'il n'avait aucune intention lucrative pour ça, me disant vouloir complanter son lopin de terre par des arbres provenant spécialement de Relizane et rien que de Relizane, afin, dit-il, qu'à l'avenir, mes descendants pourront goûter pour toujours, le fruit d'une plantation provenant de la ville de mon enfance dont je garde un puissant lien affectif. Cela laisse à méditer. Ils quittèrent les lieux tout contents en promettant d'y revenir plus souvent. Pour notre part, profitant de l'opportunité de cet hommage, nous avons cherché à nous approcher de cet artiste sous l'angle de l'art en mettant sa vision d'artiste et ses principes, en rapport avec sa ville Relizane, celle de 2012, avec la sincérité qui le caractérisait. Nous pensons que si l'artiste peintre était venu dans cette ville, à l'occasion de cet hommage, d'emblée il aurait montré sa déception sur l'absence d'une école des beaux-arts. En plus, enfant de cette ville, il aurait certainement éprouvé le désir de la visiter, et tout seul peut-être. Durant ses balades, remarquant une ville devenant triste. En arpentant l'artère principale qui s'appelle le Boulevard, qu'il n'aurait certainement pas reconnue du tout, en comparaison des années 70 et 80 seulement, car il y venait souvent durant ces années. Il aurait remarqué un centre-ville ressemblant à celui d'un village reculé. Voyant des anciens immeubles et autres quartiers en nette dégradation. Des places publiques sans attrait, celle de la Résistance, contenant un kiosque à musique, entourée par un « barreaudage » de piètre qualité, celui qu'on trouve chez le dernier des ferrailleurs, servant à protéger un semblant de végétation, voyant avec tristesse son kiosque à musique devenant un espace de symphonie pour les clochards. Tout près, l'ex-« Prisunic », qui jadis était bien pourvu en beaux produits, avec sa musique de fond, sa longue belle vitrine rayonnante, d'une quarantaine de mètres linéaires sur les deux façades, demeure sombre et cadenassée. Les deux jardins publics du centre, comme d'autres squares et espaces verts les trouvant dans un état catastrophique, la célèbre salle du cinéma « Casino », fermée depuis trois décennies, certes c'est un bien privé.

LA CULTURE ORPHELINE

Au rythme où vont les choses, nous pensons que même si cette honorable famille, propriétaire de cette salle, l'offrait gratuitement aux biens de l'Etat, la situation ne changerait pas de sitôt, tellement l'immobilisme qui touche ce secteur est affligeant. Celle de Dounyazad ex-cinéma « Rex » bien que rénovée, il l'aurait trouvée sous utilisée, sans âme, comme la ville. Cet état de fait lui aurait fortement déplu. Ahuri, en découvrant sur son passage un grand massacre, remontant vers la fin des années 80, sur l'école mythique Mohamed Khemisti ex-Victor Hugo, se trouvant à un jet de pierre de son ancien domicile. Des commerces et d'autres activités ont été introduits au sein de cette école. Cette dernière n'a pas cessé de former, durant un siècle, des générations devenant des cadres et des compétences, sauf pour l'auteur de ses lignes qui fut renvoyé de cette dernière, dès son jeune age, pour incompétence. L'affaire remonte en 1989 où une fissure s'est déclarée dans une classe au premier étage. Une décision fut prise afin d'évacuer cette école. Une expertise émanant des services compétents avait confirmé le danger sur une partie de cet établissement scolaire. Certains anciens employés de cet ex-établissement, pensent que de simples travaux de confortement auraient suffi pour maintenir ce collège en vie. Une décision fut prise afin de le transformer en un centre commercial. Sans vouloir remuer le couteau dans une vieille plaie de 23 ans, nous pouvons dire que ceux qui ont pris cette décision n'avaient certainement aucune intention de nuire. L'idée d'une édification d'un centre commercial à la place de cette école n'est pas allé jusqu'au bout. Résultat, nous assistons, au jour d'aujourd'hui, à une ancienne école, offrant un décor barbare. Car elle n'est ni un centre commercial, ni un établissement scolaire, ni même un ensemble de locaux commerciaux en bonne et due forme. Certaines classes demeurent presque intactes servant à de multiples activités commerciales ou autres, que ce soit au rez-de-chaussée, c'est-à-dire sur l'ancienne cour, ou au premier étage. Les portes vitrées de ces anciennes classes sont remplacées par des portails et autres rideaux métalliques. La cage d'escalier est infecte. Cet état de fait a fait couler énormément de salive, suscitant des commentaires des plus négatifs, et ce depuis 23 ans ; ces derniers ont dépassé nos frontières via face book et internet. Et ils ne s'arrêteront certainement pas tant que les choses demeureront en l'état. L'auteur de ces lignes, enfant de cette ville, interpellé par sa conscience citoyenne, tente par voie de presse de trouver des solutions comme il les voit, dans l'intérêt général, et afin de ne pas passer tout le restant de sa vie à entendre les critiques et les lamentations sur ce sujet. Première proposition, c'est de laisser cette ancienne école telle qu'elle, c'est-à-dire continuant à constater cette plaie grande ouverte, heurtant la conscience et suscitant des commentaires d'accusations, de haine et de pessimisme. Ce qui n'est pas souhaitable. La deuxième solution, consisterait à reconduire l'idée initiale à savoir l'édification d'un centre commercial en rasant ces anciennes classes et en reconstruire un de type moderne tout en reconduisant les occupants actuels. Cela mènera tout droit vers la pagaille qui fera regretter l'école détruite. Car personne ne pourra garantir un bon fonctionnement d'un tel projet commercial, sachant que la ville se ruralise, devenue, malgré elle, réputée pour ses performances en matière de l'informel, sûrement ce phénomène se déplacera vers ce centre avec le tohu-bohu que l'on sait. Du point de vue réglementaire, cela n'est pas possible car pour la création d'un centre commercial, on exige une aire de stationnement adéquate, ce qui n'est pas le cas. Troisième solution, c'est de revenir à la vocation première de cette école, à savoir la culture et le savoir, en créant un centre culturel à plusieurs niveaux comportant une bibliothèque, une galerie d'art, un musée. Le centre en question portera le nom du Dr Ahmed Francis, la bibliothèque portera le nom du penseur Malek Bennabi, la galerie d'art portera celui de l'artiste peintre M'hamed Issiakhem.
 

par Fekir Larbi  in le Quotidien d'Oran 10 juin 2012

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