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18 octobre 2016 2 18 /10 /octobre /2016 07:09
Nadia Zaoui

Nadia Zaoui

 

C'était une de ces après-midi d'été où même les cigales trouvaient le temps long. D'ailleurs leur symphonie prenait un rythme plus proche d'une lamentation que d'un chant de cigales.

Jeunes filles enfermées pendant les trois mois de vacances scolaires, nous nous réfugions dans le sommeil. Rêver nous aidait à échapper à notre condition et à cette claustrophobie de l'enfermement. Ma pauvre mère passait son temps à essayer de nous réveiller. Désespérée, elle usait de tous les subterfuges et même des mots les plus blessants: "Qui voudrait épouser des fainéantes de votre espèce!", Nous criait-elle. Rien à faire, nos corps trop lourds à soulever restaient inertes sous ses commentaires. C'était seulement quand elle arrivait avec un seau d'eau que je me décidais de jouer mes dernières cartes. Je prétendais aller me laver dans la salle de bain et j'étalais ma serviette par terre pour me rendormir dans l'espoir de rêver un peu plus.

C'est que je détestais l'enfermement qu'on nous imposait. Je refusais la société où j'étais née. Je refusais que les hommes s'accaparèrent la rue et que nous, femmes, sommes devenues des meubles intérieurs...

J'avais envie de disposer de mon corps et de mes gestes en liberté, de regarder le ciel infini que les hauts murs de notre cour ne viennent pas découper. Je me souviens qu'un jour ou mon père qui en avait marre de mon discours de révoltée m'avait ouvert grand la porte de la maison et m'avait défié d'aller faire mon footing. J'avais sorti ma tête de la porte et une rafale de regards d'hommes assoiffés de présence féminine m'avait immédiatement dissuadé dans mon entreprise ... Ce jour la, j'avais compris que même si mon père me donnait la liberté, je devais me battre contre toute ma société pour l'arracher.

Et pourtant on ne demandait pas grand-chose. Juste marcher dans la rue, sentir le soleil sur nos corps blanchi par les ombres des maisons. Il y a des femmes de mon enfance que je n’ai jamais vues marcher dans la rue. Je n arrivais même pas à les imaginer marcher seules ... Justement, récemment j'ai rencontré une femme de mon village qui a atterri au Québec. Elle me disait que même quand elle marche dans les rues de Montréal, elle sent encore cette pression et cette peur atavique de toute une société qui la juge et la scrute. Son mari lui a ouvert une garderie chez elle pour s'assurer qu'elle travaille à la maison et qu'elle ne soit pas en contact avec des hommes. Les valises des immigrants ramènent souvent des coutumes qui devraient êtres interdites aux douanes canadiennes tout comme les tripes et les boyaux.

Ah oui! J'oubliais, vous vous demandez tous c'est quoi ce titre, ces fameuses petites couilles de Malik! Je vous explique. On avait reçu de la visite de cousines de la ville qui sont passées par chez pour nous inviter à aller visiter de la famille. C'était pour aller de l'autre côté de la rive. Nous aimions cette marche car elle nous permettait de nous éloigner du centre du village et des regards indiscrets des hommes. On se permettait même de courir dans la nature même si de telles gamineries ne devaient pas êtres "un comportement" de filles de bonnes familles!

Enfin, traverser "assif" (la rivière sèche) pour des jeunes filles de mon époque, prenait une réunion de famille et un conseil des sages pour étudier les probabilités d'éventuels "qu'en dira-t-on" de toutes les tribus qui forment notre petite ville. Je me dis que ces mentalités ont initié le lucratif marché de la presse "people" en Occident. ....enfin, vous vous en doutez alors que nous faire accompagner par un garçon de la famille était plus que primordial pour un tel projet.

Nous, jeunes filles écervelées et assoiffées de liberté, nous nous sommes alors accaparé la main de Malik, un petit de moins de 4 ans qui traînait chez nous. 
Arrivées à destination, les femmes de la famille ont été outrées: Comment des jeunes filles ont osé traverser la rivière sans être accompagnées d'un homme? Notre réponse était unanime. Mais il y a Malik avec nous, c est un garçon non?

Voilà donc comment les petites couilles de Malik nous servaient de paravent pour affronter cette société d'hommes faite pour les hommes et par les hommes ...mais transmise par les femmes.

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