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11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 13:28

Après les Français et les Allemands, les concessionnaires auto asiatiques entendent faire pression sur le gouvernement algérien, via leur représentation diplomatique, pour que leurs véhicules bloqués au port soient libérés. Faute d’arbitrage politique, l’Etat sera obligé de céder.

«Depuis le mois d’avril, on paye plusieurs centaines de millions de dinars au port chaque jour pour le droit de stationnement des véhicules bloqués.» Agacé, ce patron d’une marque automobile asiatique souhaite toutefois garder l’anonymat pour ne pas déplaire au gouvernement et… ne voir ses véhicules bloqués encore plus longtemps au port. Mais en réalité, rien ne va plus. Au point que ce concessionnaire a déjà licencié 300 employés.

Des CDD dont on n’a pas renouvelé les contrats. Selon des sources proches du patron, «cette décision est tout à fait logique». «Rester plus de 12 mois sans travailler et payer des salaires à hauteur de 50 millions de dinars par mois n’est pas tenable.» D’autant que du côté de la concurrence, les Français et les Allemands ont obtenu gain de cause et vu leurs véhicules coincés au port libérés, après que leurs gouvernements respectifs aient fait pression.

L’Allemagne aurait récemment interpellé l’ambassadeur algérien pour la deuxième fois afin d’obliger le gouvernement algérien à débloquer les véhicules allemands coincés au port. Et selon certaines sources, les Allemands soupçonnaient une «concurrence déloyale». Selon eux, «le gouvernement algérien favorise les marques françaises», confient plusieurs sources allemandes à El Watan de ce mercredi. «D’ailleurs, nous comptons nous aussi avoir recours à la même méthode», explique un autre patron de marque asiatique. Pourtant, ils ne comptaient pas en arriver à un tel rapport de force. «Imposer un cahier des charges sans donner de délai de mise en conformité du produit, c’est vraiment injuste», s’indigne l’un d’eux.

Tout a commencé lors de la signature de l’arrêté du 23 mars dernier fixant le cahier des charges relatif aux conditions et modalités d’exercice des activités de concessionnaires de véhicules neufs (sécurité, renforcement des droits du consommateur, organisation et la régulation du marché…). Officiellement, l’objectif vise à imposer de nouvelles normes de sécurité. Officieusement, le gouvernement entend limiter les importations. Une étude du ministère du Commerce a, cette année, appuyé là où ça fait mal en soulignant que les importations avaient «transformé» l’Algérie en un «vaste espace de stockage» après que 2 millions de véhicules aient été importés entre 2010 et 2014.

Dans les faits, de janvier à juillet, les importations ont concrètement diminué. Selon un bilan rendu public par le Centre national de l’informatique et des statistiques des Douanes (Cnis), «le montant des importations des véhicules a reculé de 27,02% de janvier à fin juillet 2015, pour s’établir à 2,388 milliards de dollars contre 3,272 milliards de dollars sur la même période de 2014, ce qui représente 202 635 véhicules cette année contre 254 302 unités sur la même période de 2014, soit une baisse de 20,32% sur les importations des 51 concessionnaires en activité». Problème : cette baisse a frappé les concessionnaires de toutes les marques dont les milliers de véhicules (commandés à l’avance) sont restés bloqués au port.

Et ce blocage provoque «des centaines de litiges avec les clients», affirme le concessionnaire d’une marque asiatique. «Des clients ont passé des commandes sur un nouveau modèle de véhicule avant la sortie du nouveau cahier des charges, ils ont payé 10% de la somme totale. Notre société leur a parlé d’un délai de livraison de six mois. Mais depuis l’application du cahier des charges, on n’arrive pas à importer ces véhicules», se désole-t-il. Autre problème : avec la dépréciation du dinar face au dollar, les prix des véhicules ont flambé. «En moyenne, l’augmentation est de 30%, précise-t-il.

Du coup, si quelqu’un commande un véhicule d’un million de dinars et qu’après l’expiration du délai de livraison, on lui propose de se désister, le client refuse parce qu’il sait qu’une nouvelle commande lui coûterait plus cher», explique notre source. Plusieurs clients ont ensuite recouru à tous les moyens existants pour que le concessionnaire leur paie des pénalités de retard ou mette à leur disposition un véhicule. «Certains déposent même plainte contre notre société qui, en réalité, est bloquée par les autorités», ajoute-t-il. Au point que, selon plusieurs sources dans le milieu automobile, certains concessionnaires «ne vont pas tarder à baisser rideau» car il leur faut beaucoup de temps pour fabriquer des véhicules répondant aux normes exigées par le nouveau cahier des charges. «On ne pourra jamais résister.

Notre société ne pourra pas faire face à toutes les charges qui pèsent lourd sur notre comptabilité», estime un patron concerné. «Ce qui est malheureux, c’est le nombre de personnes qui vont se retrouver au chômage», s’indigne ce chef d’entreprise. Le président de l’Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), Sofiane Hasnaoui, estime que la situation doit être débloquée en urgence. «Pour les plus chanceux, la commercialisation des véhicules ne commencera qu’en 2016, souligne-t-il.

Les ventes ont ralenti, principalement à cause de la non-disponibilité des véhicules et aussi parce que les consommateurs sont incités à investir dans l’immobilier, notamment le versement des échéances AADL.» Même si les véhicules sont débloqués, les concessionnaires restent pessimistes. Ils craignent que l’augmentation de la taxe intérieure de consommation (TIC), applicable aux véhicules de grosse cylindrée, n’affecte encore un peu plus les ventes.

D’après cet avant-projet, «les véhicules tout-terrain et les cylindrées comprises entre 2000 et 3000 cm3 seront taxés à hauteur de 35%». Ils dénoncent aussi l’obligation pour chaque concessionnaire «d’installer une activité industrielle et/ou semi-industrielle ou toute autre activité ayant un lien direct avec le secteur de l’industrie automobile, et l’investissement doit être réalisé dans un délai maximum de trois ans à compter de la date d’octroi de l’agrément définitif, sinon son agrément sera retiré par les services habilités». «Comment voulez-vous qu’on investisse alors qu’on ne nous laisse même pas faire entrer les véhicules importés, s’indigne l’un d’entre eux.

Ce sont des sommes très lourdes qui doivent être engagées !» Pour Mustapha Zebdi, président de l’Association des consommateurs (Apoce), «il n’est pas normal que les concessionnaires fassent la loi en faisant pression sur le gouvernement. Cela va à l’encontre de toutes les règles du commerce. Avec de telles dispositions, il ne restera que les concessionnaires honnêtes et capables de garantir des normes de sécurité à même de protéger le consommateur algérien. Avant, l’Algérie importait des véhicules qui ne répondaient à aucune norme, et c’était le consommateur qui payait le prix de ce laisser-aller.»

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