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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 10:47

Le Vieux continent est actuellement confronté à trois graves sujets de préoccupation. Tout d'abord, l'Europe est dans le monde, un ensemble de pays qui connaissent les plus mauvais résultats économiques depuis plusieurs années : stagnation et très fort risque d'une entrée dans une longue phase de déflation, spirale très dangereuse de baisse des prix et de l'activité. Sur son flanc est, les Européens regardent avec inquiétude le conflit en Ukraine et l'actuelle stratégie agressive de Vladimir Poutine. Enfin, la déstabilisation au Proche et Moyen-Orient, la montée en puissance de l'Etat Islamique multiplient les menaces d'une exportation du terrorisme en Europe.

Sur ces différents dossiers, on note des divergences notables entre les 28 membres de l'Union européenne, sur l'analyse des causes, sur les solutions à mettre en œuvre, sur la hiérarchie des urgences. La situation est d'autant plus complexe que la règle de fonctionnement de l'Union européenne est l'unanimité. Théoriquement, aucune décision ne peut être prise sans que les 28 pays y soient favorables. Dans les faits, même s'ils sont théoriquement en position d'égalité dans les choix à faire, l'Allemagne pèse infiniment plus que le dernier pays adhérent, la petite Croatie. Mais du coup, la transparence dans les prises de décision n'est pas vraiment acquise. De même, le Parlement européen n'a guère qu'un rôle consultatif et dispose de marges de manœuvre infiniment plus faibles que la Commission européenne et la toute puissante Banque centrale européenne. Ces deux dernières instances ne sont aucunement élues et ne sont guère disposées à rendre compte de leurs décisions devant les différents peuples européens. Comme la construction européenne s'est toujours faite au drapeau brandi de la «Démocratie», le mode de fonctionnement actuel et les décisions prises dans le secret des bureaux de la Commission à Bruxelles ou de la Banque centrale à Francfort, laissent un peu rêveur sur la distance entre les discours toujours vertueux et les pratiques réelles.

La Grèce secoue l'institution européenne

La victoire dimanche dernier d'un parti très à gauche, Syriza, qui, à une siège près, a remporté la majorité de l'Assemblée, a vivement inquiété l'institution européenne qui n'avait pas hésité à appeler à «voter raisonnable», manquement évident aux principes de neutralité vis-à-vis des processus démocratiques internes à chaque pays membre. Imagine t-on la Commission européenne ou la Banque centrale, indiquer aux Français qu'il serait bon pour eux de voter plutôt UMP, ou plutôt PS ? Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, présenté souvent comme habile, pragmatique, consensuel, s'est un peu laissé aller en déclarant que les votes populaires sont une chose mais qu' ils ne peuvent pas «remettre en cause» les accords ou traités antérieurs. Curieuse conception de la démocratie !

Au cœur de cette affaire, la dette grecque : «il n'est pas question de supprimer la dette d'Athènes même si des arrangements sont possibles, explique Jean-Claude Juncker, mais ces arrangements n'altéreront pas fondamentalement ce qui est en place. Nous respectons le suffrage universel en Grèce, mais la Grèce doit aussi respecter les autres, les opinions publiques et les parlementaires du reste de l'Europe». Qu'un pays rembourses ses dettes est un bon principe même si l'histoire du XXème siècle montre que de très grand pays se sont assis sur leurs dettes, soit officiellement comme l'Allemagne en 1953 ou en faisant jouer fortement la carte de l'inflation. Il faut avoir également en tête la réalité du problème : la Grèce ne représente du 2,5% du PIB et de la dette européenne. «Pourquoi l'annonce des élections grecques à donner «des sueurs froides à Bruxelles et à Francfort ? explique Kostas Vergopoulos, économiste à l'université Paris VIII dans Libération, ce n'est pas l'importance de la créance, c'est surtout la première mise en cause de la «règle d'or» européenne stipulant des déficits zéro, ainsi que des politiques d'austérité qui gouvernement depuis un moment tans l'Europe des 18 (la zone Euro) que l'Europe des 28».

Austérité, austérité…

Donc ce que craignent les responsables européens ce n'est pas tant la dette grecque elle-même et dont il faudra trouver des solutions viables pour le pays et sa population, que la propagation en Europe de la critique des politiques économiques menées depuis la crise de 2008. Après la panique bancaire et financière née aux Etats-Unis et sa propagation dans le monde, nos chers bureaucrates européens ont traité l'affaire de façon extrêmement comptable : il faut faire réduire les déficits, baisser les salaires, augmenter les impôts ! Le comptable s'est également fait donneur de leçons, sanctionnant publiquement les «mauvais états» qui ne respectaient pas les règles. La «troïka» (nom bien choisi de l'instance d'experts anonymes de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne) a piloté particulièrement brutalement la Grèce, le Portugal, l'Espagne… pour un résultat proche du «zéro pointé» : l'austérité, la réduction des déficits dans une période de stagnation, entrainent hausse de la fiscalité, baisse des revenus, chute de la consommation, ralentissement économique, baisse des investissement .., et hausse des intérêts de la dette ! Le malade dépensier n'est pas guéri et il est mort.

En Grèce, le bilan de la Troïka tient en deux chiffres : baisse de 30% des revenus des Grecs, 50% des chômeurs chez les jeunes de moins de 25 ans. La victoire du nouveau 1er ministre, Alexis Tsipras est donc à la hauteur du mécontentement grec. Le jeune politicien n'a pas manqué dans sa campagne de multiplier les critiques vis-à-vis de la Commission européenne et de la Troika. Il souhaite renégocier la dette grecque et en finir avec les politiques que la CE utilise à l'encontre de son pays. Il réfute les négociateurs de la Troïka. Du coup, même Jean Claude Juncker concède que «Les mécanismes de gestion de la crise que nous avons eus n'étaient pas très démocratiques. J'ai toujours plaidé pour que nous ajoutions une dose de démocratie à la troïka», s'excuse-t-il. Un peu tard.

Plus généralement, c'est le modèle de politique économique bâti dogmatiquement par la Commission européenne et la Banque centrale qui pose problème. Une très grande majorité d'économistes longtemps laudateurs zélés de l'austérité, conviennent que le modèle ne marche pas. De nombreux parlementaires européens, qui reflètent l'opinion de leurs électeurs, le disent souvent à mi-voix. Le FMI et la Banque mondiale ont le même diagnostic ! Même Mario Draghi, le nouveau président de la Banque centrale européenne, tente de sortir de l'ornière par le rachat de dettes publiques par son organisme et la baisse de fait de la valeur de l'euro (le cours de la monnaie et du dollar sont devenus équivalents).

La surprise vint du côté d'Obama qui apporta un soutien inattendu au très à gauche Alexis Tsiparas :»À un moment donné, il faut une stratégie de croissance pour pouvoir rembourser ses dettes», a expliqué publiquement le président américain, «il est très difficile d'initier ces changements si le niveau de vie des gens a chuté de 25 %. À la longue, le système politique, la société ne peut pas le supporter».

Cela fera-t-il changer d'opinion la véritable initiatrice de cette politique «austéritaire», Angela Merkel ? Certainement pas ! D'autant que dans un sondage récent, 76 % des Allemands partagent les idées de la Chancelière. Il est vrai qu'économiquement, l'Allemagne fut l'un des rares pays européens qui ont profité de cette orientation, même si ces derniers moins, sa croissance a brusquement chuté.

L'arrière-fond pétrolier de la crise ukrainienne

Autre sujet d'inquiétude des Européens, la crisse russo-ukrainienne. Le 29 janvier, une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'UE s'est tenue à Bruxelles. A l'ordre du jour, la condamnation européenne de l'offensive lancée par les séparatistes pro-russes dans les régions de Lougansk, Donetsk et désormais la ville stratégique de Marioupol. Le compromis de Kiev de février 2014 qui avait soldé le conflit antérieur a volé en éclat, comme peut-être à terme l'unité de l'Ukraine. Cette nouvelle offensive des séparatistes n'a pu se faire qu'avec l'approbation, le soutien politique et militaire de la Russie. Les mesures de rétorsion économiques de l'Europe et des Etats-Unis qui ont sanctionné l'économie russe pour inciter Moscou à plus de modération et pour rechercher un compromis général, n'ont donc pas fonctionné. Non pas qu'elles n'aient pas eu d'impact : le cours du rouble a perdu 40% de sa valeur et les Russes manquent quotidiennement de certains produits courants. Effet annexe pervers : si les mesures n'ont guère affecté les USA, ce n'a pas été le cas pour l'Europe, grand exportateur vers la Russie.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la détermination russe. Tout d'abord, l'histoire, les deux pays n'ont fait pendant plusieurs siècles qu'un seul. «Pour des raisons historiques, l'Ukraine est inséparable de la Russie. Kiev est le berceau de la Russie. Dans chaque famille russe, il y a un Ukrainien. Il y a une population russe en Ukraine de même qu'il y a une population ukrainienne en Russie. Tous les Ukrainiens parlent russe» explique Hélène Carrère d'Encausse , académicienne et grande spécialiste de la Russie, «nous assistons à répétition de la situation de 2004, avec la pression très forte d'une Europe assez antirusse sous l'influence de cette nouvelle Europe qui impose une vision selon laquelle les affaires de l'est européen ne concernent pas la Russie». La position de Vladimir Poutine sur le dossier ukrainien est donc populaire en Russie même. Un atout pour le président alors que l'économie tourne au marasme, entraînant une fuite des capitaux.

3ème sujet, plus sous-jacent, la question pétrolière, la Russie tirant une grande partie de ses ressources de ses exportations pétrolières et gazières. Les cours du baril ont chuté sous le seuil symbolique des 60 dollars contre 100 dollars ces trois dernières années : l'économie russe s'étrangle, l'Iran souffre, l'Algérie en ressent fortement les effets négatifs.

Dans une période difficile dans le contexte économique international, avec la 1ère fois de mauvaises statistiques chinoises, et de faible croissance, donc de moindre consommation d'énergie, l'OPEP qui contrôle 30% de la production mondiale a choisi jusqu'à présent de ne pas intervenir sur les prix du pétrole en conservant son objectif de production inchangé. Existe-t-il derrière les pseudos«lois du marché» des explications plus prosaïquement très politiques ?

«Cette guerre du pétrole touche principalement les pays dont les relations avec l'Arabie saoudite et les États-Unis ne sont pas au beau fixe. A commencer par la Russie. Moscou est le troisième plus gros producteur de brut derrière les États-Unis et l'Arabie saoudite et le deuxième plus gros exportateur après Ryad», note Hayat Gazzane dans le Figaro. Elle y précise la situation de l'Iran qui voit son PIB chuté brutalement de 5% et cite également le cas du Venezuela, pays traditionnellement rebelle aux Etats-Unis et qui semble aujourd'hui menacé de défauts de paiement.

La manipulation des cours, surtout pour des raisons politiques, a des effets souvent inattendus et parfois très contre-productifs pour ses auteurs, surtout pour la ressource stratégique pour tous les pays qu'est l'énergie.

«Le prix des hydrocarbures s'effondre, le rouble s'affaiblit, les capitaux fuient, j'attaque !» semble répondre aujourd'hui Vladimir Poutine, selon Dominique Moisi dans Les Echos.

Sur le dossier ukrainien, Washington et l'Otan prônent l'intransigeance. «L'Union européenne est divisée. La Pologne, les pays Baltes, Londres sont sur une ligne très dure face à Poutine. L'Allemagne, l'Italie et maintenant la France veulent la désescalade», d'autres sont rétifs à une politique agressive note Laurent Marchand dans Ouest-France.

Pierre Morville

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