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16 octobre 2014 4 16 /10 /octobre /2014 09:22

La vue des voitures rutilantes des nouveaux riches devient la hantise des policiers.

L’Etat de droit commence dans les rangs de la police.» ce slogan placardé dans tous les commissariats du pays trouve tout son sens aujourd’hui, à travers l’imposante manifestation des forces de maintien de l’ordre. Les policiers contestataires, poussés à bout depuis les émeutes de janvier 2011 survenues dans la foulée des révoltes arabes, brisent l’omerta et témoignent, pour El Watan, de leurs insoutenables conditions de travail. «Accorder aux agents de police toutes les prérogatives dans l’exercice de leurs fonctions pour faire face aux pressions et humiliations subies de la part des hauts responsables de l’Etat ainsi que certains hommes d’affaires», peut-on lire dans la plateforme de revendications des policiers contestataires remise aux autorités.

Une première dans les annales de la police nationale, que des policiers dénoncent aussi explicitement la tyrannie et les abus de pouvoir dans les sphères de leur haute hiérarchie. «Ils ont privatisé l’institution à laquelle nous avons prêtée serment. Des agents sont assujettis au service de hauts responsables au lieu d’être au service des citoyens. Il est courant que des chefs privent des agents de leur congé ou d’une permission pour leur assigner des missions qui relèvent de leurs affaires privées», accuse un policier de l’unité républicaine de la police nationale d’El Hamiz, rencontré lors du rassemblement tenu mardi soir devant le Palais du gouvernement.

Le mariage du fils du patron de la police revient dans les propos de la plupart des policiers avec lesquels nous nous sommes entretenus. «Il faut que vous sachiez que cet événement n’est pas passé inaperçu. Nos collègues d’Oran se sont plaints ce jour-là auprès de leur chef, ils n’avaient pas apprécié d’être mobilisés pour assurer la sécurité des invités d’une fête de mariage, fut-elle celle du fils du grand patron», confie un officier. «Dorénavant, ce genre d’agissements doivent cesser et aux responsables de comprendre que nous sommes au service du pays, que nous ne sommes pas leurs domestiques ! La création d’un syndicat est plus qu’urgente pour veiller au respect de nos droits. ça sera notre rempart contre ce genre de dépassements», assure-t-il, résolu, à l’image de ses collègues qui semblent tous déterminés à camper sur leurs positions.

En effet, le droit de créer un syndicat figure en seconde position sur leur lettre de revendications, «autrement nous serons sanctionnés». Figurent également sur la longue liste des doléances les «comportements indécents» de certains responsables de l’Etat et des membres de leurs familles. «Lors des contrôles routiers, il est fréquent de constater de infractions commises par de hauts fonctionnaires de l’Etat, mais lorsque ces derniers sont interpellés, ils sévissent systématiquement à coups de menaces et jusqu’aux insultes les plus ordurières. Souvent, ils mettent leurs menaces à exécution. Je connais beaucoup de collègues qui ont subi ce genre de mésaventure», confie un agent de la circulation présent à la manif.

Ces agissements ne se limitent pas aux responsables, «leurs enfants font pire encore ! Ils poussent encore plus loin les humiliations, certains disent : ‘ ‘Vous osez m’enlever mon permis de conduire, vous allez me le rendre et me le ramener chez moi !’’» Un autre agent ajoute : «Les coups de fil d’en haut harcèlent nos supérieurs qui nous ordonnent à leur tour de restituer les documents saisis et de nous excuser pour le désagrément. A défaut, bien évidemment, nous sommes sanctionnés, mutés ou tout simplement révoqués pour une entorse que nous n’avons jamais commise…»

«insultes et humiliations»

Les policiers évoquent, pour la première fois aussi, l’influence qu’exercent les hommes d’affaires et les importateurs sur les institutions de l’Etat. «Ils n’hésitent pas à nous insulter et nous humilier en public, ils refusent de se soumettre aux lois de la République et, dans ce genre de situation aussi, par radio ou par téléphone, ordre est donné pour relâcher l’individu immédiatement. La vue des voitures rutilantes de ces nouveaux riches insolents est la hantise pour nous autres», confie un autre policier en faction au centre d’Alger. Yacine, 26 ans, agent de la circulation sur les hauteurs d’Alger, témoigne, amer : «Un jour, j’ai arrêté une voiture pour vérification, le conducteur refusait de collaborer, j’ai dû alors utiliser la méthode forte pour l’amener à obtempérer, dans les limites de la loi. Le conducteur a tenté de me gifler, j’ai dû alors procéder à son arrestation. L’individu demande alors à parler à mon supérieur, qui l’a laissé user de son téléphone portable. Quelques minutes après, le commissaire s’est déplacé personnellement et m’a demandé de l’accompagner au commissariat.»

Et de poursuivre : «Le commissaire m’a lancé :’’Vous savez pas qui est ce gars ? C’est un importateur très connu et il a le bras très long. Vous voulez me causer des problèmes ? C’est la dernière fois que vous faites ça, je ne veux plus entendre parler de ce genre de chose, dorénavant faites attention !’’» Son collègue tient à raconter son calvaire : «Une fois, un importateur connu au square Port-Saïd m’a renversé avec sa voiture, j’ai procédé à son arrestation et confisqué son portable. Il a passé la nuit en garde à vue. Mais quand il m’a revu, il a osé me frapper, après avoir commis l’outrage de m’agresser physiquement. J’ai porté plainte. Le lendemain, il a été relâché par le procureur de la République. Le jour du procès, il a obtenu gain de cause et a été acquitté.»

Certains hommes affaires n’hésitent pas, selon toujours les mêmes témoignages, à faire appel à leurs accointances au sein de la haute hiérarchie de la police. «Pour leurs propres affaires, le chef nous demande, sans ordre de mission, d’assurer la sécurité d’un convoi, d’escorter des camions transportant des marchandises ou des conteneurs, ou tout simplement de patrouiller à proximité des entrepôts et magasins appartenant à ces importateurs ou hommes d’affaires», confie un autre policier. Les agents de l’ordre promettent, en tout cas, de ne plus accepter le fait accompli.

Zouheir Aït Mouhoub

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